ÉCHOS DES PHARES Hiver 2023-2024

Echos des phares Décembre2023
Hiver 2023 – 2024 – Nouvelle série

La Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises est un organisme d’intérêt général qui œuvre à la sauvegarde des phares depuis le début du siècle. Votre soutien sous toutes ses formes lui est essentiel.

SOMMAIRE

  • À la Hune
  • 2023: Deux engagements majeurs pour le patrimoine
  • 2023: Les phares du Québec à Orléans
  • Sortie d’un joli recueil autour des phares
  • 2024: Vie et projets de la SNPB
  • Soutenir l’action de la SNPB
  • Point de vue sur le don
  • Vers le “don citoyen”?

À la Hune : Le patrimoine des phares à la lumière de l’utile précepte du célèbre traité “Il Principe” (1532): Heureux celui dont la façon de procéder rencontre la qualité des temps”

Par Marc Pointud

Président de la Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises – Chevalier du Mérite Maritime


Et si l’on considérait l’évolution de la notion de patrimoine des phares à la lumière de l’utile précepte du célèbre traité de philosophie politique cité en exergue selon lequel toute proposition hors de l’air de son temps serait vouée à l’échec. L’expérience de la SNPB confirme qu’avoir évoqué la notion de patrimoine des phares en 2002, pas du tout en vogue à ce moment-là, s’est heurté à l’inadéquation des temps. Mais le temps est une dynamique. La roue tourne et fait changer de qualité les temps. La question est de pouvoir attendre les temps porteurs de la qualité requise. Une durée inconnue sur laquelle il est portant possible d’intervenir.. Chaque phare est un patrimoine remarquable. Un patrimoine exceptionnel ce sont plusieurs phares remarquables considérés ensemble. Un jour viendra donc où le patrimoine des phares passera de remarquable à exceptionnel. Un jour où la qualité des temps sera favorable au développement de cette grande ambition. L’attention aux signaux, parfois subliminaux, aide à la reconnaissance de ces temps. En sommes-nous si loin ?
Nous pouvons aisément mesurer le chemin parcouru depuis cette époque révolue, il y a plus de vingt ans maintenant, alors que la notion de patrimoine des phares n’était que l’apanage de quelques rares spécialistes. L’engagement au long cours de la SNPB pour faire reconnaître ce patrimoine a porté ses fruits et désormais plus personne ne saurait contester cette évidence. Mais ce n’est pas tout.

Le patrimoine des phares a échappé aux propositions les plus délirantes des divers docteurs Mabuse qui ont croisé sa jeune histoire. Qui oserait par exemple encore soutenir que si une tour en mer s’effondrait, cela serait l’aboutissement d’un état d’obsolescence programmé par l’ingénieur l’ayant érigée ?  Que penser lorqu’un autre cerveau fécond en cuistreries avait imaginé conserver les phares en coulant du béton à l’intérieur ? Faut-il aussi rappeler cette proposition de “disneylandisation” évoquée par certains esprits obérés par le raisonnement comptable ? Partant du principe que les phares étaient trop nombreux à entretenir, ce plan prévoyait de ne garder qu’un phare représentatif de chaque type d’architecture ou situation. Égrenés au long des littoraux, les heureux élus auraient ainsi formé une sorte de parcours d’attraction suffisant pour contenter des amateurs passionnés. Restait à imaginer l’imbroglio d’intérêts régionaux qu’une telle proposition de choix eût provoqué face aux spécificités patrimoniales dont chaque phare est porteur.

Quelques exemples pour éclairer l’ineptie abyssale de ce plan. Du Four ou des Pierres Noires, érigés en même temps à deux ans près et à l’architecture semblable, lequel faudrait-il garder? Quel est le feu le plus représentatif de l’épopée des grands chantiers en mer? Ar-Men? la Jument? les Birvideaux? Un autre…? Quel est le plus vieux phare en service? Une question à fâcher Bretons et Aquitains selon le critère de référence. Au regard de l’année de mise en service, c’est incontestablement Cordouan qui l’emporte avec la date de 1611. Si l’on considère l’authenticité originelle de l’ensemble du phare, c’est au Stiff que revient la palme, son architecture n’ayant pas été modifiée depuis sa mise en service en 1700, tandis que le remaniement et la surélévation de Cordouan sous Louis XVI (1790) ont totalement modifié son aspect de 1611. Enfin, et ce n’est pas le moindre des dangers qui ont assailli ce patrimoine, il y eut le tout numérique satellitaire des années 2000 dont l’engouement allait jusqu’à prévoir l’inutilité du signal lumineux et donc l’extinction des phares ! La déesse de la Raison et malheureusement des accidents ont évacué cette posture en rappelant l’obligation de redondance des moyens de positionnement parmi lesquels la veille des feux. Une évidente précaution pour parer à toute éventualité. Car un œil sur les écrans c’est utile mais capter aux jumelles avec certitude le phare attendu, c’est mieux.
En réalité tous ces errements extravagants n’ont servi que des egos mal placés. Ils ont surtout brouillé la perception du patrimoine des phares en tant qu’ensemble indissociable, œuvre de longue haleine d’un pays qui a su se mobiliser pour éclairer l’ensemble de ses côtes. La Commission des Phares de 1825, l’ingénieur Léonce Reynaud, père de nombreux phares, la Troisième République, les reconstructions d’après-guerre, toutes ces époques ont porté le même concept qui a présidé à l’établissement de ce vaste ensemble de phares, celui de la “ceinture lumineuse” du littoral, qui de Dunkerque à la Corse du Sud et dans les Outre-mer exprime la volonté d’apporter à tous les navigateurs sans distinction une sécurité de navigation aussi fiable que possible. Cet immense héritage, toujours en service pour la majeure partie, est désormais devenu un patrimoine national. Cette reconnaissance fait suite aux propositions transmises par la SNPB au Grenelle de la Mer en 2009. Depuis cette étape, les inscriptions aux Monuments Historiques ou les classements de ces édifices se sont succédé. Néanmoins, ces statuts de protection, pour indispensables qu’ils soient, participent aussi à une mise en avant des fiertés locales et, partant, portent le risque d’altérer le sentiment d’appartenance à cet ensemble patrimonial.

Par exemple, si les atouts du phare de Cordouan justifient bien entendu son label “patrimoine mondial”, le cavalier seul de sa candidature l’a conduit à une gloire d’un magnifique isolement, celle du “primus inter pares”. Être le “premier parmi ses pairs”, même avec prestige, ne peut faire oublier que ce qui est unique en réalité c’est cette ceinture lumineuse dont Cordouan est certes, un des joyaux. La reconnaissance du premier n’emporte pas celle des autres. Lorsque “la façon de procéder rencontrera la qualité des temps” gloire viendra à cette succession de phares, en mer comme à terre, à ces architectures diversifiées et chantiers prodigieux, à cette histoire maritime humaine densément riche. Car cette saga industrielle et scientifique mondialement couronnée par le nom de Fresnel s’écrit depuis plus de 400 ans, tous phares et feux confondus, pour former un corpus patrimonial unique au monde.

Cette conception unitaire du patrimoine des phares et balises est défendue avec constance par la SNPB depuis ses origines. Plusieurs déconvenues importantes ayant déjà affecté ce patrimoine riche et diversifié démontrent que sa spécificité mérite à l’évidence une organisation structurée et coordonnée à tous les niveaux y compris budgétaire, à l’instar du Conservatoire du Littoral dont le succès n’est plus à démontrer. C’est une décision qui appartient au politique. Son retardement obère l’avenir de ce patrimoine.


2023 : Deux engagements majeurs autour du patrimoine

  • Le sauvetage de l’ancienne vedette de relève des phares Velleda IV
  • La restauration du toit de la maison-phare de Tévennec

Le sauvegarde de l’ancienne vedette de relève des phares Velleda IV


La SNPB a déployé plusieurs mois d’efforts, de Septembre 2002 au printemps 2023 pour mener à terme le dossier de sauvegarde de la Velleda IV, ancienne vedette de relève des phares de l’Iroise.

Longueur hors-tout : 16,30 m Largeur : 4,05 m Déplacement: 29,75 t
2 moteurs Baudoin d’origine couplés de 100 cv chacun. Construction classique bois 1968

Affectée à la subdivision de Brest et construite aux Chantiers de la Garonne à Bordeaux, la Velleda IV a assuré la relève des phares d’Iroise les plus célèbres : Ar-Men, La Vieille, les Pierres Noires, la Jument, le Four. Henri Le Gall, réputé être le « virtuose de la relève » par les marins d’Iroise en a eu le commandement jusqu’à sa retraite en 1983. Fort de sa grande expérience reconnue du métier, il a participé à la conception de cette unité. Après la disparition des relèves, elle a été utilisée au départ de Brest pour divers travaux d’entretien jusqu’à nos jours. Suite au plan de modernisation de la flotte de l’armement des Phares et Balises, sa sortie du service pour le printemps 2023 la programmait pour une remise aux Domaines.

La Velleda IV, après un demi-siècle de renommée au service du balisage d’Iroise, avec une coque conçue pour les relèves de phares dans des conditions difficiles, activité disparue, est du plus haut intérêt historique pour le patrimoine flottant des phares et balises et singulièrement du Finistère. À ce titre, elle se devait d’être conservée en état de navigabilité.

La Velleda à Brest en attente de sa sortie de flotte en avril 2023

Notre démarche a proposé la cession de la Velleda IV pour l’euro symbolique dans un cadre associatif et non commercial avec pour objectif de favoriser un projet associatif présentant un intérêt général avéré. Elle devait être faite au profit d’une association reconnue d’intérêt général, assortie de contreparties suffisantes pour servir l’intérêt général en préservant et entretenant un objet patrimonial public et en excluant tout profit à caractère commercial. Une proposition conforme aux termes d’un arrêt du Conseil d’État en la matière selon lequel la cession à l’euro symbolique à une association est légale « dès lors qu’elle est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes ». (C.E Jurisprudence Commune de Mer 25/11/2009). C’est à l’association “Bel Espoir- les Amis de Jeudi Dimanche” que la garde de ce patrimoine flottant, la Velleda IV, a été remis. Elle a les capacités d’entretien d’un tel navire (lire ci-dessous). Nous verrons ce qu’il advient. La vedette reste dans ses eaux finistériennes.

Pourquoi il n’est pas si simple de détenir et faire naviguer un navire comme la Velleda IV

  • Un navire est classé soit professionnel soit plaisance privée soit plaisance d’usage commercial avec des exigences différentes selon sa longueur (équipage et brevets professionnels, nombre de personnes embarquées, type de navigation, etc.). La cession d’un navire à un tiers ne change pas sa catégorie. Mais l’acquéreur y est obligé en cas de changement de type d’exploitation du navire. Ce changement est soumis à une réglementation nationale alignée sur la réglementation européenne dont les critères très stricts de pollution, sécurité des personnes et du navire, etc. sont vérifiés avant la délivrance du certificat de conformité indispensable. Pas de conformité, pas de certificat. Ce qui ne correspond plus aux critères actuels exigés doit être mis en conformité avant délivrance du certificat. Certaines mises en conformité peuvent renchérir très fortement le prix d’un navire d’occasion. En bref, le changement de catégorie relève d’une complexité réglementaire et administrative souvent absconse, toujours pléthorique, dont l’interprétation même fait parfois débat entre exégètes de cet empilement de textes.
  • La Velleda IV est officiellement classée “navire professionnel”. La laisser dans cette catégorie signifie naviguer avec un armement professionnel, un équipage inscrit maritime, une réglementation maritime lourde (brevets de qualification, sécurité, rôle d’équipage, charges etc.). La faire passer dans la catégorie “navire de plaisance” est complexe nous l’avons vu. Reste la catégorie intermédiaire du navire de plaisance d’utilisation commerciale de moins de 24 m’ (N.U.C) ce qui sous-tend une structure commerciale (associative ou non) pour son exploitation, des restrictions de types de navigation, de commandement, etc. On comprend mieux le casse-tête.
  • Sa motorisation ancienne est certes un bijou patrimonial mais ces deux gros diésels Baudouin à lancement par air comprimé sont d’un suivi exigeant avec l’obligation, selon les marins eux-mêmes, de les graisser et faire tourner une heure minimum au moins une fois par semaine même au mouillage. Par ailleurs les pièces détachées, parfois nécessaires, sont très difficiles à trouver, la firme Baudouin n’assurant plus le suivi de ce type de moteur.
  • En un mot, la réglementation actuelle sur cette question n’est en rien adaptée aux spécificités des navires du patrimoine. Il existe bien une exemption pour les navires construits avant 1950 mais cette date a été fixée en 2004 et ne concerne que les navires à usage de plaisance personnelle ou de formation. Un navire reconnu patrimoine avait donc au moins 54 ans en 2004. Or cette limite d’ancienneté est restée figée. Nous sommes 20 ans plus tard en 2024. Pour être du patrimoine et être exempté de certaines normes de conformité un navire doit donc avoir au moins 74 ans ! La Velleda, de 1968, qui n’est pas de plaisance, ne sera jamais un navire du patrimoine sauf peut-être en 2042Tout reste à faire.


La restauration du toit de Tévennec


Faut-il rappeler l’engagement permanent de la SNPB  à vouloir sauver d’un délabrement bien avancé, le phare de Tévennec patrimoine emblématique constitué d’une petite maison-feu sise sur un rocher émergeant au nord du Raz de Sein? Un patrimoine délaissé depuis la dernière remise à neuf de son toit dans les années 1960. Un patrimoine pour lequel chacun s’accordait à dire qu’il était dommage de le laisser aller à vau-l’eau mais pour lequel ceux qui fustigeaient cet état ne tentèrent quoi que ce soit en un demi-siècle. Mieux, quelles ne furent pas les critiques à l’endroit de la SNPB pour avoir milité pendant plus de dix ans en faveur de cette restauration. Revenons à la pertinence de l’exergue de l’éditorial: “Heureux celui dont la façon de procéder rencontre la qualité des temps”. Ce fut le cas pour Tévennec.

Le phare de Tévennec dans la tempête
Le toit de Tévennec avant travaux
Le toit de Tévennec avant travaux

Lorsque la SNPB a obtenu le droit d’occuper Tévennec en 2011 pour dix ans, c’était dans le but de militer en faveur des phares en mer, ces “oubliés” du Grenelle de la mer. Le Conservatoire du Littoral n’en voulait pas pour les raisons que l’on connait. Tous les phares, en mer comme ceux à terre, et à part certains anciens vendus au privé, sont propriété domaniale et ne peuvent être occupés privativement quavec l’autorisation de l’État, pour une période définie et sous un statut précaire. L’autorisation obtenue en 2011 par la SNPB fut la toute première délivrée par l’État à une association pour un phare en mer. Notre choix de Tévennec n’était pas dû au hasard. Cette maison-phare construite au large sur un rocher est un patrimoine emblématique unique au monde. C’est un phare en mer à part entière mais il est davantage habitable qu’une tour émergeant des flots même si son accès reste très difficile. L’objectif de notre occupation était triple. D’une part provoquer une large médiatisation des phares en mer et plus particulièrement mettre le focus sur l’état et l’avenir de Tévennec, véritable cas d’école. D’autre part la SNPB voulait fermement que la restauration du toit aboutisse car depuis des décades l’état de la couverture mettait en péril le bâtiment. Bien avant nous, déjà, la restauration de Tévennec était depuis longtemps le serpent de mer de la région. Vociférer est le bras armé des contempteurs. Depuis notre présence sur le rocher nombreux étaient ceux qui espéraient nous voir faillir sur ce point. Était-ce pour nous rappeler la fameuse malédiction du “kerz kuit” (va-t-en) de Tévennec? Enfin, en troisième lieu, et dans notre perspective d’une seconde vie du phare résidence d’artistes, il fallait démontrer qu’il était possible d’y organiser une forme de vie et de séjour en testant in situ les difficultés et les possibilités de ce projet. Nous avons donc hébergé au cours de ces dix ans plusieurs artistes dont certains très connus, des équipes de reportage comme Thalassa , Arte, France Culture, des youtubers connus dont le clip sur Tévennec a été vu plus d’un million de fois et tant d’autres. Tous nos objectifs ont été atteints pendant notre décennie de présence au cours de laquelle la SNPB s’est enrichie d’une grande connaissance des lieux à nulle autre pareille, d’une expérience indispensable pour l’avenir du projet. Il serait trop long de reprendre le fil de ces années. Nous évoquerons ici ce qui a permis d’aboutir à la restauration du toit de Tévennec, événement majeur en 2023.

Au cours des 69 jours en solitaire passés de février à Mai 2016 à Tévennec par le président de la SNPB, ce phare est devenu l’idole des médias nationaux et étrangers toutes catégories. Des dizaines d’articles, reportages, émissions, interviews ont été consacrés à ce patrimoine, le faisant passer du confidentiel d’un cénacle de connaisseurs à la notoriété des phares en mer les plus connus du grand public. Ainsi est-il devenu le “symbole de la sauvegarde des phares en mer” selon le mot d’un important responsable de la sphère maritime officielle. Dans son livre “Phares des côtes bretonnes” (Éd. Ouest-France) Pierre-François Bonneau écrit : “Automatisé en 1910, le phare de Tévennec fut livré aux éléments jusqu’à ce que Marc Pointud, président d’une association de sauvegarde, décide de s’y installer pendant deux mois en 2016, faisant du phare le symbole d’un patrimoine à préserver coûte que coûte”.

Dès lors l’intérêt de plusieurs entreprises mécènes se manifesta sous la houlette de l’actif délégué de la SNPB pour la région Auvergne Rhône-Alpes, Rémi Schoeler. Il organisa plusieurs réunions et conférences pour présenter et expliquer notre projet de restauration avec pour objectif de mobiliser des entreprises dans le cadre du mécénat, ce qu’il réussit. Le livre sur Tévennec participa aussi à cette reconnaissance des atouts et besoins de la maison-phare (au profit de la SNPB sur le site). Dans le cadre d’un de ces partenariats en mécénat, une entreprise de Lyon vint à Tévennec pour en lever les plans extérieurs et intérieurs et les restituer virtuellement en trois dimensions.

La période Covid créa un blanc au milieu de cet élan, retardant la préparation du dossier de restauration qui devait être proposé aux administrations concernées. Notre date butoir était juin 2021, terme des dix ans de l’autorisation d’occupation signée en 2011. Néanmoins, plans, notices explicatives et études techniques furent prêts fin 2020, chaque entreprise mécène participante ayant apporté son savoir-faire sous la houlette de Rémi Schoeler. Il restait cependant à régler la logistique du futur chantier, loin d’être une mince affaire au regard des fortes contraintes du lieu, du transport des matériaux, des conditions météo, etc. L’administration gestionnaire des lieux, parfaitement au courant du projet et de ses difficultés, ne proposa jamais son assistance, ce qui somme toute eût été naturel et bienvenu. Une réunion de présentation du projet avec les autorités relevant du dossier eut lieu dans les premières semaines de 2021. Dossiers complets avec cahier des plans furent envoyés à chaque participant, bien en amont de la date. Nous avons rapidement compris lors de la réunion qu’apparemment seule l’architecte du département l’avait lu, annoté et le connaissait. Pour autant les représentants de la Culture et de l’administration gestionnaire des lieux avaient des points de vue bien arrêtés sur ce qu’il fallait faire et ne pas faire, concluant cette entrevue par un refus. Ce fut évidemment une immense déception et un sentiment d’amertume justifié notamment pour les entreprises et personnes qui avaient donné de leur temps et de leur travail tout comme pour notre délégué qui s’était très investi avec Arthur, son fils architecte. En vérité nous ne nous attendions pas à des compliments ni à aucune reconnaissance de l’administration compte tenu de la tension autour de notre implication pour Tévennec et malgré le sérieux de notre dossier. C’est la raison pour laquelle tout donnait à penser que le verdict négatif semblait avoir été scellé d’avance sous le couvert de reprendre la main pour faire les travaux. Or, considérant qu’aucune précision ni de date ni de financement n’était faite, cette posture ressemblait plutôt à un renvoi aux Calendes Grecques. L’administration étant souveraine chez elle et Tévennec n’étant pas officiellement une priorité, notre marge de manœuvre était nulle. Est-il possible de gagner une partie contre un souverain ? Telle fut la question dans les premières semaines qui suivirent. L’hypothèse d’un appui solide apparut comme seule pouvant sauver un dossier qui avait certes pris un mauvais coup mais pour lequel rien n’était encore perdu. Avec un billard à plusieurs bandes le dernier rebond n’est pas joué d’avance. Cependant un soutien efficace ne s’improvise pas. C’est le fruit d’années de constance qu’il convient de cultiver. Et en mars 2021 se présenta une belle illustration de l’exergue cité plus haut: “Heureux celui dont la façon de procéder rencontre la qualité des temps”.

Le ministère de la mer invita la SNPB à une réunion à propos des travaux à Tévennec et lui demanda de lister les phares en mer, qui selon son avis, nécessitaient des travaux de restauration urgents. Tévennec fut bien entendu mis en tête de liste. Lors de cette importante réunion nous avons été informés que notre engagement pour la cause des phares, reconnu depuis des années, avait incité le ministère à lancer un grand plan de leur restauration, notamment ceux en mer dont Tévennec était devenu le porte-drapeau. Le financement de ce plan se faisant sur les fonds propres du ministère, la création d’un Fonds d’Intervention Maritime était prévue en 2022 avec pour premier axe prioritaire la restauration des phares et navires du patrimoine. Ce fonds est devenu un excellent levier de financement au service du monde maritime. Il faut souhaiter sa pérennité. Ainsi, ayant été mis par nos soins en tête de liste des interventions, Tévennec a pu dès le premier appel à projets de 2022 bénéficier des crédits nécessaires pour sa restauration. Voici donc la raison pour laquelle, d’avril à septembre 2023, le toit et la charpenterie de Tévennec ont été rénovés.. Dans un “20 minutes” de mai 2022 on pouvait lire sous la plume de Camille Allain : ” Enfin ! Le phare maudit de Tévennec sera rénové et sauvé d’une mort assurée” et il poursuivait: “La mobilisation d’un homme qui y a passé deux mois a fini par payer. L’État va engager des travaux de rénovation du bâtiment.”

En conclusion, si ce long exposé des faits est sans doute utile, disons simplement que nous attendions depuis des années ce chantier indispensable à la survie de Tévennec. On ne peut que se féliciter qu’il ait eu lieu. Certes on aurait pu souhaiter que les deux administrations concernées par cette restauration rappellent, de temps en temps, même à mots couverts, que la SNPB était à l’origine de tout cela et que sans elle tout ceci n’aurait pas aussi rapidement été engagé. Cette absence de communication à notre endroit a entraîné quelques cocasseries parmi lesquelles, un reportage sur le chantier au cours duquel on voit un conducteur des travaux s’émouvoir à son arrivée d’être le premier à entrer dans Tévennec depuis 1910. No comment. Aussi un article de 2022 rapportant les mots de l’administration gestionnaire des lieux qui se félicitait de pouvoir annoncer que son projet de réhabilitation de Tévennec avait été retenu par le ministère de la Mer. Un peu de rigueur dans l’exposé des faits ne saurait nuire au discours.

Tévennec a été, demeure, et son futur l’attend. N’est-ce point là l’essentiel ?

Pour aller plus loin…

“Lumière sur Tévennec, les portes de l’enfer” Éditions Coop Breizh

Auteur: Marc Pointud Président de la SNPB, Chevalier du Mérite Maritime

En vente ici au profit de la SNPB au “magasin du phare

Le seul livre consacré entièrement à ce patrimoine mythique, l’unique maison-phare du large réputée hantée. Abondamment illustré de photographies inédites il s’ouvre sur l’histoire hors du commun de ce phare non sans avoir au préalable donné toute leur place aux origines physiques et culturelles du plateau rocheux qu’il signale. La seconde partie propose le journal de bord des 69 jours passés au phare en solitaire par l’auteur au cours de l’hiver 2016. Premier occupant de longue durée depuis 1910, date de départ des ultimes gardiens, il y a vécu un quotidien dénué de tout confort mais intense car porté par un environnement grandiose et son combat de longue haleine en faveur de ce patrimoine. Un engagement finalement reconnu qui a porté le ministère de la Mer à élaborer un plan national de restauration des phares en mer dont Tévennec a été le premier à bénéficier dès 2023.


2023: Les phares du Québec au Festival de Loire d’Orléans


Reprenons simplement la présentation du Festival sur le site officiel : “Rendez-vous incontournable à Orléans, le Festival de Loire vous emporte durant cinq jours de festivités et de célébration à la fois de la grandeur de la marine fluviale et du patrimoine exceptionnel de la Loire. Se déroulant tous les deux ans au mois de septembre dans l’ancien port d’Orléans, le Festival de Loire réunit à chaque occasion des centaines de milliers de visiteurs, plus de 200 bateaux, 700 mariniers et 500 artistes garantissent des moments festifs inoubliables ! La 11ème édition du Festival de Loire a eu lieu du 20 au 24 septembre 2023. Comme à son habitude, il vous invite à découvrir la marine traditionnelle et ses bateaux. En 2023, le Saint-Laurent, fleuve canadien, et les marins du Pays basque étaient à l’honneur.”

La Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises présente les phares de France depuis les débuts de cette manifestation biennale. Par ailleurs, et depuis une vingtaine d’années, elle entretient des liens d’amitié étroits avec la corporation des Amis des Phares du St Laurent au Québec et elle a eu le plaisir d’accompagner en 2012 une délégation de la corporation et son président de l’époque, Peter Moreau, qui visitait les phares français. Tout ceci pour expliquer en quoi la SNPB était légitime pour participer à la présentation des phares du fleuve St Laurent, invité d’honneur du festival. C’est grâce à la société Évènements, Voiles,Traditions (EVT), organisatrice bien connue des grands festivals du patrimoine maritime et fluvial et partenaire de longue date de la SNPB, que la mise en relation avec la mairie d’Orléans a eu lieu.

Le projet était de présenter les phares du St Laurent en relation avec les phares de l’estuaire de la Loire. Les liens ne manquent pas entre les deux domaines à commencer par leurs latitudes respectives. Celle de l’estuaire de la Loire et ses deux phares d’approche, la Banche et le Grand-Charpentier, se situe autour de 47°15 Nord tandis que l’accès principal du golfe du St Laurent, le détroit de Cabot, les îles-de-la-Madeleine et leurs six phares, sont par 47°25′ Nord. Des voisins en latitude mais distants de 2600 milles (environ 4200 km).



La SNPB a demandé aux deux photographes québécois spécialistes des phares du St Laurent, Patrick Matte et François Prévost, une sélection de leurs clichés représentative des 45 phares qui balisent le St Laurent, plus grand estuaire du monde avec ses 370 km débouchant sur l’immense golfe éponyme dont la surface est égale à presque la moitié de la France… Leurs photos splendides ont été imprimées en grand format puis déployées pendant l’été tout au long des quais de Loire à Orléans à la vue du public avant d’animer fin septembre les allées du festival. Installée par EVT, une reproduction d’un phare canadien caractéristique en bois, celui de Grande-Anse en Gaspésie, est venue compléter cette évocation. Cette présentation du patrimoine des phares du Québec a connu un succès considérable, succès qui s’est retrouvé dans la fréquentation du stand de la SNPB où étaient présentées des vues complémentaires de phares québécois et français. Les phares qui bordent le St Laurent ont des architectures variées. Le bois est évidemment un matériau très utilisé pour leur construction mais il contrait à un entretien régulier pour assurer une longévité au bâtiment car les conditions climatiques sont évidemment très rudes. Tous sont situés dans des paysages à couper le souffle comme le montre l’échantillon de photos ci-dessous. C’est évidemment un patrimoine que nous proposerons de découvrir.

Vue du festival
Panneau en bord de Loire
Phare de la Marte
Grande-Anse (au festival)
La Renommée
La Tête au Chien
Foule sur les quais
Haut-fond–Prince

“La Comédie des Phares”: un recueil collectif et rare inspiré par le thème du phare


En marge du Festival de Loire est paru en septembre dernier ce très joli recueil conçu autour du thème du phare. Cette parution est le fruit du travail des Éditions des Embruns. Leur fondateur, Jean-Baptiste Seigneuric, a choisi une formule originale d’ouvrage collectif en demandant, comme l’indique la présentation du livre, à “plus de cinquante artistes, écrivains et plasticiens de partager leur vision pour un voyage riche de fantaisie, de rêve et d’émotion, hors du temps et des continents.”. Le thème retenu à chaque parution induit le choix d’une association qui en défend la cause et à laquelle est reversée une fraction du prix de vente. Avec le phare pour thème de cet ouvrage, la SNPB a eut l’honneur d’être choisie et d’en rédiger l’introduction. Une sélection de photographies de phares du St Laurent de Patrick Matte et François Prévost illustre un texte de Thibault Jacquot-Paratte, une ode en vers libres aux phares d’Acadie, son pays. Voici donc un recueil aux textes et illustrations ciselés. Il faut prendre la chance de pouvoir savourer ce “mood-book”selon l’humeur du moment. Son tirage de qualité est en petit nombre et sera unique. Il est en vente au profit de la SNPB sur le site.

2024: Vie et projets de la SNPB



ASSEMBLÉE GÉNÉRALE: Notre assemblée générale se tiendra au printemps. La date et ses modalités seront fixées par le Conseil prochainement. Il est fort probable qu’elle se déroulera en ligne via l’application de réunion Skype (jusqu’à 100 personnes en même temps gratuitement). Il est certain que dans la mesure où assister virtuellement à la réunion est possible, se déplacer de loin pour quelques heures représente un coût qui ne se justifie plus, à titres personnel comme écologique. De plus, trouver un créneau de temps une soirée chez soi n’est en rien comparable à un déplacement d’une journée ou deux. Quoi qu’il en soit, chaque membre ayant cotisé en 2022 ou 2023 ou les deux bien sûr, recevra les documents utiles à son information pour participer aux débats. Quant au vote il reste ouvert aux membres à jour de leur cotisation de l’année en cours 2024 et les procurations sont toujours possibles. Tous les détails seront adressés à chaque membre avec la convocation.

RAIDS PHARES: L’été fut très mauvais. Ce que nous avons subi en juillet et août 2023 n’a pas permis d’organiser des raids en mer, notamment à cause d’un phénomène bien connu en Iroise, la houle résiduelle. Selon les relevés de la station de la pointe du Raz, juillet a été venteux chaque jour avec des rafales comprises entre 33 et 81 kmh soit entre force 5 et 9 et la moyenne des précipitations s’établit à 42 mm. Le mois d’août a lui aussi été venteux chaque jour avec des rafales comprises entre 22 et 105 kmh soit entre force 4 et 11 et la moyenne des précipitations s’établit à 47 mm. Évidemment la mer du vent a été agitée ou forte sous l’influence de ce type de météo. Ajoutons à cela la fameuse houle résiduelle que l’on rencontre au large dans le secteur d’Ar-Men notamment, ce qui le rend particulièrement dangereux lorsqu’elle se combine avec les effets de la marée. Une houle résiduelle est, comme l’indique son appellation, une houle générée au très grand large par une tempête (dépression) dont la trajectoire a changé. Mais la houle continue selon sa route initiale pour aborder beaucoup plus loin le continent, sans le vent de la dépression. Les dépressions qui passent au sud-Irlande créent des houles qui finissent en Iroise. Souhaitons que l’été 2024 permettent de reprendre ces navigations autour des phares.

VOYAGE DE DÉCOUVERTE DU PATRIMOINE DES PHARES: C’est un grand projet de la SNPB que nous espérons organiser si possible pour le second semestre de cette année. Le principe serait de rassembler une dizaine de personnes pour un voyage d’une semaine environ dans des conditions permettant à titre exceptionnel de découvrir le patrimoine des phares d’un pays alors même que le statut de ces phares ne le permet pas. La SNPB entretenant d’excellentes relations avec les autorités des phares de plusieurs pays étrangers, ce projet pourrait prendre forme sous réserve néanmoins de trouver son public. Chacune et chacun est donc invité à communiquer sa position à ce sujet (via le formulaire contact sur le site).


Soutenir l’action de la SNPB


Adhérer ou renouveler sa cotisation.

COTISATION: C’est évidemment le premier geste de soutien dans une association. Les montants sont inchangés (actif 50€, bienfaiteur 350€) et adhérer donne toujours lieu à la délivrance d’un reçu fiscal. Certaines personnes ont rencontré des difficultés pour se connecter à leur espace membre, retrouver un mot de passe ou régler leur cotisation en ligne. Nous avons revu l’ergonomie de certaines pages et restons à votre disposition pour vous apporter une solution. N’hésitez pas à nous contacter.

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FAIRE UN DON: Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Comme vous le savez, la SNPB ne reçoit, et donc ne demande, aucune subvention. C’est un choix d’indépendance assumé. Les dons contribuent au financement des actions de la SNPB comme cela se fait depuis les origines. Tous les soutiens reçus ont permis de poursuivre une politique efficace sur le long terme en faveur du patrimoine des phares. Certes, il est parfois long d’obtenir un résultat et d’aucuns peuvent être amenés à penser que les choses n’avancent pas assez vite. Faut-il rappeler que nos interlocuteurs représentent l’Ɂtat et que nous ne sommes ni élus de la Nation. ni personnels de l’administration. Soutenir un dossier face à une administration ou un ministère peu enclins à le suivre ou pris par d’autres préoccupations d’ordre supérieur, ce n’est pas chose aisée et cela requiert patience, constance et diplomatie… Mais au final nous avons fort heureusement de nombreux soutiens fidèles et solides qu’ils soient membres ou de l’extérieur. Souvent présents depuis longtemps, ils suivent ce que nous faisons avec attention et apportent leur concours. Enfin, et comme il y a encore de nombreux dossiers que nous devons engager, la SNPB vous remercie d’avance pour votre soutien.

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POINT DE VUE À PROPOS DU DON: Le don en numéraire défiscalisé peut être assimilé à une “subvention” car un don se compose pour les 2/3 (66%) de la somme qui aurait dû revenir aux impôts mais qui est remise à un organisme d’intérêt général reconnu et choisi par le donateur. Ce qui revient à dire que les impôts abandonnent 66% de la valeur du don, somme que le contribuable est chargé, selon son choix, de remettre à l’organisme. Ainsi le don est-il toujours présenté de la façon suivante : “Si vous donnez 100 € cela ne vous coûtera réellement que 34 €” mettant l’intégralité du don en avant pour mieux minimiser la part restante. dénommée “coût réel”. N’oublions pas que les 66% complétant ce “coût réel” doivent être de toutes façons déboursés, soit à l’organisme si don il y a, soit aux impôts en absence de don. Le donateur ne serait-il pas focalisé sur l’idée que son don est d’une bonne valeur car il lui permet une bonne défiscalisation? Autrement dit, l’incitation fiscale au don étant établie sur le fait que la part personnelle se fond dans la part donnée par les impôts dans un rapport 1/3-2/3, considérer la valeur d’un don dans sa globalité pousse à masquer la part d’origine personnelle. L’ensemble fait oublier un sous-ensemble associé alors qu’habituellement c’est l’arbre qui cache la forêt. Et si c’était le contraire? Si on inversait ce point de vue? La question ne serait plus “Combien vais-je défiscaliser” mais “Quel montant de mes deniers personnels, donc indépendamment des 66% dus dans tous les cas, pourrais-je consacrer pour apporter une aide à la cause que je soutiens? Une aide qui me soit acceptable financièrement ainsi qu’au regard de l’intérêt que je porte à cette cause”. L’important ne serait-il pas de considérer en premier lieu le montant du don à faire à l’aune de son avoir personnel? De faire un choix tenant compte du possible et du souhaité au regard de la cause soutenue, puis d’ajouter 66% de cette somme, part due aux impôts, pour obtenir la valeur totale du don. Pour un calcul mental rapide, retenons que c’est en gros le tiers du don (34%) qui pèse sur les deniers personnels. Indépendamment de la partie donnée par les impôts, cela permet de se demander si ce tiers extrait de l’avoir personnel est à la fois possible et s’il correspond à ce que l’on souhaite consacrer à la cause défendue. Ainsi on ne dirait plus “Je défiscalise 100 euros cela ne me coûtera que 34 euros” mais par exemple “J’ai envie de donner 50 euros donc je verse à l’organisme trois fois cette somme (150 euros pour 3/3) et je serai défiscalisé de 99 euros”. Voici un point de vue qui s’entendrait de suite si la part défiscalisable était égale à la totalité du don. Quoi qu’il en soit un grand merci pour vos dons, passés, présents et à venir.

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ET SI ON REFONDAIT CERTAINS ASPECTS DU RÉGIME DU DON EN PROPOSANT DE CRÉER “LE DON CITOYEN” POUR EN FAIRE UN VECTEUR DOUVERTURE DES CITOYENNES ET CITOYENS À LA CULTURE? À suivre assurément...