Où en est le projet Tévennec ?
Voici une question récurrente, en tout cas pour celles et ceux qui ont des difficultés à prendre la mesure de ce projet, des obstacles à surmonter et de l’engagement qu’il représente. Un rappel de sa genèse et des conditions qui l’entourent s’impose.
Laissez-les mourir…
A la suite du Grenelle de la mer, au cours duquel il a été demandé à la SNPB de faire part de ses perspectives concernant le patrimoine des phares, le devenir des phares en mer est demeuré une question centrale. Tout à chacun·e ne tarissait pas de qualificatifs dithyrambiques pour louer ce patrimoine unique. Photographes et reportages ne cessaient de puiser leurs productions aussi sensationnelles que lucratives dans la mise en situation de ce patrimoine au sein d’environnements tempétueux tandis que d’autres ne s’interdisaient pas de prôner de “les laisser mourir de leur belle mort”.
Rien n’a démontré une volonté d’organiser leur sauvegarde de manière coordonnée et planifiée, hormis leur classement. La logique comptable l’emportant, tout a été dit y compris les pires sophismes, ces raisonnements à l’apparence de vérité mais de mauvaise foi.
Ainsi il a été soi-disant démontré que la restauration du phare d’Ar-Men engloutirait le montant colossal de dix années de l’entier budget des affaires culturelles de la région Bretagne, les laissant orphelines de tous moyens financiers pendant une décade ! Pour mesurer l’artifice de ce paradoxe il convient de relever deux arguments essentiels que l’on s’est gardé d’introduire dans cette démonstration.
Le premier est qu’un tel chantier ne saurait se réaliser en seule année. Acheter une voiture est sans doute faisable. Mais si l’on prétend que cet achat coûtera le montant de tous les véhicules que l’on aura dans sa vie, la propriété de la première voiture devient impossible. Un tel raisonnement biaisé n’aurait pour dessein que celui de ne jamais permettre l’achat d’une voiture. Cependant l’argument suivant est de loin le plus important pour la SNPB.
Halte à la résignation !
Si nous avons toujours défendu ce patrimoine en tant que patrimoine public, et en particulier milité contre sa vente à la découpe, nous avons de même toujours dénoncé le recours systématique au financement public pour sa sauvegarde. Qui connaît l’état des finances publiques sait qu’en réalité la vraie question est celle du “fléchage” , comme l’on dit, des crédits. En d’autres termes des financements existent mais ils ne sont pas pour le patrimoine , sinon à la marge, et encore moins pour celui des phares. Faut-il pour autant se résigner en rase campagne à voir inéluctablement disparaitre ce patrimoine maritime exceptionnel ?
Certes, l’attitude d’un Docteur Tant Pis est plus confortable à tous points de vue et laisse le loisir de ravauder photos et textes répandus pour accoucher autant de livres que possible sur ce sujet si porteur.
En marge de ce propos, il faut rappeler que l’ensemble du patrimoine des phares et balises est potentiellement capable de s’autofinancer en grande partie à la condition expresse que sa gestion soit mutualisée, structurée et coordonnée, ce qui est à l’évidence loin d’être le cas. Une doctrine exposée et défendue par la SNPB depuis près de vingt ans mais qui ne s’accommode guère des baronnies locales…
La priorité pour un patrimoine en difficulté est que sa sauvegarde soit effective, en d’autres termes que les travaux nécessaires soient faits. Mais ces travaux devraient impliquer le moins possible les finances publiques, voire ne rien faire peser sur elles. Un raisonnement que nous nous efforçons d’appliquer pour la restauration de Tévennec mais cette démarche, n’est pas la plus aisée. Tant s’en faut.
Les grands projets requièrent du temps
Hors de tout financement public, il ne reste qu’à recourir aux dons et cotisations, au mécénat des entreprises et au bénévolat. Tous moyens accessibles à une structure associative et favorisés par les dispositions de la loi sur le mécénat du 01 août 2003 prévoyant leur défiscalisation indispensable.
Si le bénévolat est nécessaire, notamment pour l’aide apportée sur place, il trouve cependant ses limites lorsqu’il s’agit de travaux d’importance où professionnalisme et sécurité sont en jeu. Ce qui est souvent le cas pour des chantiers de gros œuvre dans des lieux difficiles, comme à Tévennec.
Dons et cotisations, défiscalisables aussi, constituent la ressource indispensable aux financements des actions induites par le projet auxquelles il faut faire face. Côté mécénat, une entreprise qui offre son expertise, ses matériaux ou matériels, reçoit comme contreparties une défiscalisation de 60% de la valeur apportée et surtout une belle visibilité de communication pour sa participation à un chantier hors normes ainsi qu’un support médiatique exceptionnel car des travaux sur un phare en mer, menés par une association, constituent un sujet remarquable et spectaculaire pour tous les médias.
Mais c’est autour de cette question du mécénat que la notion de temps intervient. Pourquoi ? Simplement parce que décider une entreprise à apporter son aide ne se fait pas d’un claquement de doigts. Un chef d’entreprise doit être convaincu du sérieux de l’opération, porté par un enthousiasme certain pour le projet, rassuré par la longévité, la notoriété et la légitimité du porteur du projet. Toutes qualités qui ne s’acquièrent qu’avec le temps.
Après avoir obtenu l’autorisation de s’occuper de Tévennec en 2011, ce n’est que plusieurs années d’efforts et de recherches plus tard, couronnées par le succès de l’opération “Lumière sur Tévennec”, que la SNPB a vu, et ceci seulement depuis deux ans, s’ouvrir les portes d’un mécénat de plus en plus présent. Et si la mécanique est enfin lancée, elle doit être entretenue en permanence et reste fragile car dépendante de nombreux facteurs dont principalement celui du chiffre d’affaires du mécène lui-même. Au cours de ce temps, d’aucun·e·s extérieur·e·s au suivi du projet penseront : “Mais que se passe-t-il enfin pour Tévennec ?”.
Alors voici le point sur la situation.
Les pièces du puzzle pour la réfection du toit de la maison-phare se mettent en place. Une entreprise de couverture est fière d’avoir choisi d’être celle qui fera ce chantier. Le fournisseur des matériaux nécessaires a été approché avec succès et l’enthousiasme est aussi de son côté. Les plans en trois dimensions du phare, intérieur et extérieur, et du rocher, ont été levés en juillet dernier grâce au mécénat très engagé de deux entreprises de Lyon. La mise en forme des données est en cours. Une entreprise de maîtrise d’œuvre spécialisée dans le patrimoine bâti et son architecte sont au chevet de ce futur chantier. Ils préparent le complexe mais nécessaire dossier administratif (plans, permis de construire, autorisations, etc).
D’autres entreprises partenaires sont dans la boucle pour des interventions à venir telles que la maçonnerie, la taille de pierre, les ouvertures, l’énergie, etc. Rendez-vous, contacts, réunions et conférences de présentation du projet se succèdent ici et là en France. Nous espérons une première tranche de travaux pour la belle saison prochaine. Restent les questions cruciales relatives au transport et à divers aspects logistiques. Vous qui lisez ces lignes, si vous pensez pouvoir apporter votre aide en participant à cette aventure, raisonnée mais unique, prenez contact avec la SNPB.
Nous sommes donc désormais très avancés. Nous ne recevons pas de subventions et n’avons pas d’autres aides que les cotisations, les dons, le mécénat, le bénévolat et par dessus tout la foi en ce projet qui verra la restauration du premier phare en mer. Tout doit être mis en œuvre pour que cette dernière ligne droite aboutisse à cette première tranche de travaux. Avec vous nous ne sommes pas seul·e·s à soutenir cette action concrète en faveur du patrimoine des phares. Nous comptons sur vous pour nous apporter votre aide, quelle qu’elle soit.
A propos des dons : lire l’article